Citation :

« le 20 octobre 1982,

Je te déteste. Oui, tout ce qui fait de toi la personne que tu es. Ton sourire, la façon que tu as de passer ta main dans tes cheveux, lorsque tu ris et que tu embellis la pièce. Tu m'agaces au plus haut point. D'ailleurs, en parlant de hauteur, j'ai l'horrible impression d'être tombée de très haut, et de m'être fracassée contre ces rochers. Toutes ces vagues, qui avancent et se meurent sans but, on dirait moi en cet instant. Elles avancent, doucement vers leur perte. Et elles ne s'arrêtent pas, elles. Non, elles meurent dans un océan de bonheur, fulgurant, plein de pirouettes pour embellir cet acte si funeste. Oh non je ne pleure pas. Non, je ne peux juste plus voir mes pieds. J'approche du jour fatidique, du moment où je tiendrai notre enfant dans mes bras. (...) Ça me tue de savoir que tu es parti comme ça. Que tu nous as rayés de ta vie de la sorte. Et ta femme, là-bas, à New York, j'espère qu'elle est solidement accrochée à toi, parce que tu vacilles mon bonhomme. Tu as vacillé avec moi, on a dansé, on s'est enivrés, et maintenant, tu décuves. Tu décuves dans les bras d'une autre, qui ne sait pas que tu as butiné ailleurs. Que ton cœur, tu me l'avais donné bordel. Toute la dentelle que tu rajoutais dans tes paroles, c'était pour de faux ? Du bidon, pour rire comme on dit ? Enfoiré. Tu ne PEUX pas entrer dans ma vie, tout détruire, et en ressortir en me laissant ta carte de visite. Non, non, et non. N'y sois jamais entré. Comment faire ? J'en sais rien. Débrouille-toi. Cette merde, c'est toi qui l'as provoquée. À toi de t'en défaire. De nous en défaire. Dans quelques semaines, ton fils verra le jour. Il aura tes yeux, à tous les coups. Il me rappellera toujours celui que tu as été durant ces vacances. Celui dont je suis tombée amoureuse. Il retracera l'histoire de l'idiote que je suis. De l'idiote, qui est tombée amoureuse d'un idiot. »

Combien d'entre vous n'ont jamais commis cet acte stupide ? Celui de croire qu'une étendue d'eau pouvait se soucier de vos problèmes ? " Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage. " Oui, ça, vous le savez tous. Dans cette petite ville d'Islande, tout le monde a entendu parler de cette plage miracle. Celle qui exhaussait tous vos vœux. Dès que quelque chose n'allait pas, des ribambelles de personnes défilaient, jetant chacun une bouteille de verre à l'eau, qui contenait leurs souhaits, leurs cœurs, leurs vies. Ils se sont tous dit que personne n'y prêterait attention, mais au moins, ils ont pu vider leur sac. Accoucher de toutes ces choses qui les rongeaient, et les détruisaient à petit feu. Cette plage a été bien active durant un certain temps. Des hommes comblés de bonheur attrapaient leurs femmes au vol, les faisaient tourner dans les airs, avant de poser leurs lèvres sur les leurs. Des enfants revenaient joyeux, leur jouet favori retrouvé. Oui, ces eaux ont aidé beaucoup de personnes. Mais brusquement, tout s'est arrêté. Les souhaits de tout le monde ne se sont plus réalisés. Silence radio. Pendant dix longues années. Ces groupes d'écumes qui avaient l'habitude d'apporter partout le bonheur autour d'eux venaient de rendre leur tablier. Des milliers de personnes se sont soudainement senties seules, sans ressources. On ne cherchait plus à écrire son destin par soi-même. Non, on le laissait faire tout seul, comme un enfant à qui on lâcherait la main, alors que l'on sait pertinemment qu'il ne peut faire plus de trois pas sans tomber au sol. Vous avez laissé vos vies s'effondrer, en pensant que même lorsque les choses allaient mal, elles trouveraient elles-mêmes un moyen de retrouver le chemin de la maison. Grossière erreur. (...) Le Ciel semble vous avoir entendus. Vous tous, qui avez pleuré en silence durant toutes ces années. Et oui, on commence peu à peu à retrouver des bouteilles sur le rivage. Des bouteilles que l'on avait envoyées comme on envoie son cœur à la mer. Avec violence, rage, passion, désespoir. Et elles reviennent toutes. De toute époque, avec des messages personnels, des vœux, des secrets de famille bien gardés, et j'en passe. Des vies seront bouleversées, par ce reflux du passé. Vous qui aviez pensé avoir tourné la page, elle revient en plein dans votre face. Et il n'est plus rare à présent de voir quelques personnes, la nuit tombée, venir ramasser une bouteille, la lire, et voir qu'elle les concerne. Et de retrouver cette petite lueur, autrefois présente, renaître, encore plus vive qu'avant.

rédigé par SOULSHAKER
pour message in a bottle.